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Slow revolution!

Aller au sommaire —par Cyril A. Skinazy Read this page in English

—courtesy Oleg Oprisco

Le futur sera “slow” ou ne sera pas l’avenir. Le capitalisme tel que nous le connaissons n’en finit pas d’expirer bêtement de ses pitoyables soubresauts et ce n’est pas un hasard si ceux qui ont fait du profit leur seul credo quittent peu à peu la piste comme les personnages disqualifiés d’un immense jeu vidéo. Bien sûr, l’économie de marché, basée sur la compétition et la réussite individuelle, ne disparaîtra pas brusquement mais elle cède chaque jour du terrain devant un modèle spontané rendu possible par les millions d’ordinateurs connectés en réseaux à travers le monde et la volonté des peuples de ne plus céder aux mensonges de la propagande et de la publicité. Depuis que chacun est devenu son propre média, la conscience de l’humanité s’éveille à ce qui lui est réellement favorable. Alors que le vieux système se lézarde de toutes parts, d’exaltantes initiatives font vaciller tous les secteurs d’activité. Les champs de la santé, de l’éducation, du logement, et bientôt de l’énergie connaissent une transformation sans précédent.

L’industrie musicale et l’édition ont été les premiers à subir l’onde de choc et la musique est le symbole même de cette nouvelle société du partage qui transforme chaque consommateur en acteur du système.

Le sociologue et prospectiviste américain Jeremy Rifkin, dans «La nouvelle société du coût marginal zéro» analyse avec clairvoyance ce passage d’un monde à l’autre. En historien des sociétés il montre le rôle de chaque avancée technologique majeure dans la mutation du modèle économique. Ainsi comme l’usage du courant électrique dans les presses d’imprimerie à multiplie de manière phénoménale la production de journaux et de livres, donnant à des millions de personnes en baissant leur coût, l’accès à la connaissance, les ordinateurs en réseau, le développement exponentiel de leur capacité de stockage et la rapidité croissante des microprocesseurs permettent un échange d’informations si rapide que chaque action rendue publique est susceptible d’être scrutée et commentée par la planète entière avec des conséquences radicales.

La “slow” révolution ce n’est pas un refus définitif de tout ce que nous apporte le progrès. C’est une manière de lâcher prise face à une certaine idée du progrès. C’est comme détourner un train lancé à pleine vitesse qui court à sa perte pour l’aiguiller lentement sur une voie bordée de charmants paysages.

Ce qui inquiète les instances en place est que cette «cool révolution» dynamite le système de l’intérieur. Et son action n’a rien à voir avec les insurrections du passé qui consistaient à renverser un pouvoir par la force. Ici elle prend corps sur divers plans. Elle utilise la désaffection, le désintérêt et le discrédit comme armes majeures avant de prendre des initiatives concrètes. L’effet de masse faisant le reste. Vivre et laisser mourir pourrait en être le credo. En Italie émergent les 15.000 coopératives Legacoop, le collectif de journalistes «dehors pour reportage» et l’unité Corragio au cœur du Pignetto, un quartier alternatif de Rome qui se targue d’une conséquente production agricole, prodigue des cours de jardinage et fournit même un chef à domicile tandis qu’en Sicile «Adio Pizzo», une association de 800 commerçants refusent de payer le pizzo, l’impôt de la mafia. En Grèce est née la communauté «Libres et authentiques» dans le village d’Agios Nikolaos sur l’ile d’Eubée, autonome en électricité et en produits agricoles et qui s’active à construire une école. «J’essaie d’être le changement que je veux voir en ce monde», proclame son cofondateur.

Le mouvement “Occupy” qui a enflammé de nombreuses métropoles, le boycott des industries et des produits polluants, la demande croissante pour les produits bio, éthiques, beaux, utiles, minimalistes procèdent du même élan: se retirer d’un monde mortifère et absurde pour investir un territoire rêvé, non utopique, comme le prouve le phénomène “Tiny house” qui propose une vision du luxe indépendante de l’espace.

Un chercheur en neurosciences, le Docteur Thomas Budzinski a remarqué qu’occuper le cerveau gauche, celui de l’analyse logique avec des informations incompréhensibles, permettait au cerveau droit—celui de la créativité—d’apprendre dix fois plus vite.

Ce comportement du cerveau est à l’image de nos sociétés. Le paradigme de l’absurde, nébuleux, labyrinthique, intenable au lieu de maintenir les peuples sous domination a libéré la créativité et généré un nouveau modèle. Le lâcher prise a fait son œuvre et La “slow révolution” est parmi nous.

—Cyril A. Skinazy, écrivain et rédacteur en chef de By Courtesy

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