BY COURTESY

Roaring

Patrick Villas

L’animal est l’avenir de l’homme

Aller au sommaire —par C.A. Skinazy Read this page in English

Malgré sa domination sans partage sur l’ensemble du règne animal il faut se rendre à l’évidence: le rêve le plus secret de l’espèce humaine et aussi le plus inavouable, c’est bien de devenir l’égal des créatures que tout au long des âges elle s’est évertué à utiliser à son profit. Depuis l’aube de l’humanité, comme l’attestent les parois de grottes peuplées d’aurochs et d’antilopes, la fascination des hommes pour la puissance et les facultés surnaturelles des bêtes ne s’est jamais démentie.

À l’heure où les avancées de la science et des techniques donnent à l’homme les pouvoirs d’un Mister Hyde, l’admiration pour les forces non frelatées de la nature devient telle que nous assistons sans doute à la naissance d’un nouvel âge, passionnant, dans lequel faune, flore et éléments triomphent indiscutablement du progrès technologique, à moins que ce progrès ne serve qu’à révéler leur potentiel sidérant et illimité, comme le prouvent les plus récentes recherches en biomimétisme.

En 1738 à Messine en Italie, les chiens ne hurlèrent que quelques minutes avant le tremblement de terre qui détruisit la ville et tua plus de 50.000 personnes. Ce n’est également que quelques minutes avant le tremblement de terre de Lansberg en Allemagne, en 1920, que les abeilles abandonnèrent leur ruche pour s’envoler dans les airs. Mais c’est une demi heure avant le séisme qui détruisit 20.000 maisons en Grèce qu’en 1953 les cigognes tournoyèrent en larges cercles, donnant ainsi l’alerte à la population. Il n’y eut que 27 morts.

Dans les années 1960 aux États-Unis, un homme était assis dans un café à jouer aux cartes. Mais son chien par son agitation, ses cris et ses déplacements intempestifs dans la pièce, le dérangeait continuellement. L’homme fit sortir le chien mais aussitôt celui-ci revint par la fenêtre, recommençant de plus belle son manège. Excédé, le propriétaire de l’animal sortit du café avec lui. À peine avait-il franchi le seuil que le plafond de l’établissement s’écroulait, ensevelissant les consommateurs.

Dans le registre extra-sensoriel les animaux peuvent sentir, comme des signes annonciateurs d’événements inhabituels, les variations du degré d’hygrométrie, les modifications de champs magnétiques, d’ultra sons et d’infra sons. Dans le domaine purement physique ils sont capables de performances extraordinaires. Les manchots empereurs peuvent jeûner plusieurs mois dans des conditions climatiques extrêmes, les hyènes avec une mâchoire d’une puissance de trois tonnes au centimètre peuvent broyer des os d’éléphants, les tigres traversent à la nage des bras de mer de 30 kilomètres, font aisément des bonds de dix mètres et peuvent soulever un girafon de 150 kgs jusqu’à six mètres de hauteur, quant aux guépards il n’est pas rare de les voir atteindre 115 km par heure à la course.

Patrick Villas est un peintre et sculpteur de renommée internationale, fasciné par les animaux sauvages. Si les éléphants et les autruches ont pu faire partie de son bestiaire c’est autour des félins qu’il construit une œuvre remarquable. Représenté à Paris par la très exigeante et passionnée galerie Bayart l’artiste belge qui vit et œuvre dans les Vosges, a été dans son pays un très doué organisateur d’événement artistiques et a connu un notable succès commercial avec sa peinture. Mais pour l’heure, dans la sérénité inspirante de son vaste atelier il se consacre, comme en écho à d’immémoriaux feulements et rugissements, à la sculpture. Et quelle sculpture! Toute la puissance explosive ou au contraire retenue des panthères, léopards, jaguars et guépards affleure sous ses bronzes patinés dont la matrice surgit de cire de modelage, de la terre et plus récemment du papier.

Celui que l’on pourrait qualifier de chercheur panthéiste et qui sait si bien restituer l’énergie pure des fauves fut des années durant l’hôte privilégié du zoo d’Anvers. Il a tellement observé l’objet de sa dilection qu’il n’a guère besoin de se transporter en Tanzanie ou au Kenya pour exprimer la beauté d’un guépard en pleine course. Il possède une telle connaissance de leur anatomie qu’il peut saisir mentalement les moindres frémissements musculaires de ces captivants prédateurs.

À l’instar de ces bêtes non dénaturées dont la puissance jailli de l’échine comme une onde vibratoire, Patrick Villas sculpte aussi le corps humain, un corps à la fois puissant et vulnérable, relié aux forces originelles. La preuve manifeste que l’animalité est l’avenir de l’homme.

Patrick Villas est representé par la Galerie Bayart: 17, rue des Beaux Arts, 75006 Paris; 03 44 20 44 25

—C.A. Skinazy

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