BY COURTESY

Serendipity

Un coup de dés jamais n’abolira le Mallart

Aller au sommaire —par Cyril Skinazy Read this page in English
Orthorographe, un tableau de Bruno Mallart.

—Bruno Mallart, «Orthorographe, ou le plan Paris–Madrid», courtesy Galerie Bayart

Le «One pot pasta» est une nouvelle manière de cuisiner les pâtes. Inventée par un chef napolitain pressé ou inspiré et popularisé par la grande prêtresse de la cuisine américaine Martha Stewart, cette audacieuse méthode fait réaliser un bon prodigieux à la cuisson du fameux plat italien. D’une simplicité biblique, le procédé consiste à faire mijoter à l’étouffée dans une quantité d’eau dérisoire tous les ingrédients ensemble, une petite poignée de minutes. Une entorse à la tradition dont peuvent se réjouir autant les affamés que les épicuriens, car l’horizon créatif de ce plat savoureux semble, à ce jour illimitée.

Un jour un jeune homme demanda à sa mère: «Maman qu’est-ce que la pataphysique?». La génitrice, bien qu’un peu surprise par la question répondit qu’elle n’était pas trop versée dans la science des solutions imaginaires mais que selon elle la pataphysique c’était un esprit oblique et répercutant.

Bien que la naissance d’un esprit singulièrement créatif n’obéisse à aucun à priori géographique, force est de constater que la France a souvent constituée un terrain favorable à l’invention, stimulant même de la façon la plus inattendue ceux qui y avaient trouvé refuge.

De Jules Verne au surréalisme, en passant par dada il est un artiste aussi à l’aise dans l’absurde et l’improbable qu’une sardine dans le grand bleu, c’est Bruno Mallart. Lorsqu’on demande à cet ancien élève de la prestigieuse école Penninghen ce qui le motive dans sa quête esthétique il avoue que c’est le désir d’aller voir ailleurs. Cet ailleurs ce sont ces fantastiques et jouissives compositions numériques peuplées de théières volantes, de conquistadores futuristes, de taureaux dactylophiles et de rhinocéros mécaniques. Bienvenue à Mallardoland, cet outre-monde distordu qui ressemble à s’y méprendre au Serendip d’Horace Walpole, le royaume où n’existe aucune certitude et dans lequel l’inattendu surgit à chaque pas.

Calembours, contrepèteries, comptines fantaisistes, sous entendus nébuleux, le démiurge de cette pandemoniaque contrée voyage sur ses terres avec un sens de la dérision digne d’Albert Robida, Alfred Jarry, Salvador Dalí et Pierre Dac. Quand on dépasse les bornes il n’y a plus de limite, mais c’est précisément ce que recherche Ramon Brutall, alter ego de l’artiste.

Les vastes compositions du peintre illustrateur, impressionnantes de loin et captivantes de près ne sont peut être pas qu’une pure chimère. Stéphane Mallarmé révolutionna la poésie avec le fameux «Un coup de dés jamais n’abolira le hasard» de 707 mots qui inspira les ingénieurs de Boeing, avec ses poivrons aériens, ses concombres volants et ses navets fuselés comme des navettes spatiales la marmite esthétique de l’extravagant Monsieur Mallart, payable en monnaie locale est l’élixir parfait pour un voyage lointain. En apesanteur.

Bruno Mallart est representé par la Galerie Bayart: 17 rue des Beaux Arts, 75006 Paris; 03 44 20 44 25

—Cyril Skinazy

—Bruno Mallart, «La symphonie du grand veneur», courtesy Galerie Bayart

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