BY COURTESY

More is more!

Aller au sommaire —par Cyril A. Skinazy Read this article in English

—courtesy Anne-Sophie Cochevelou

Les grands écrivains finissent toujours par se rencontrer quelque part. Ainsi quand Milan Kundera affirme que l’incorrigible immaturité de l’homme nait du souci de sa propre image ou que seule une grande intelligence est capable d’insuffler un sens logique aux idées insensées il rejoint dans les sphères de la pensée oblique et pourtant lumineuse Jim Harrison confiant à Brice Mathieussent son remède inédit contre la dépression, remède forgé a l’aune d’une très profonde sagesse indienne. Pour contrer la mélancolie, disait l’écrivain des Grands Espaces, il n’est de meilleur viatique que de contrarier ses habitudes. Et de citer en exemple cette journée commencée par la fin en attaquant au saut du lit un gigantesque ragoût de mouton ou de rapporter l’histoire de cet ami qui avait décidé de suivre son chien pendant une journée entière. Carlos Castaneda dans ses «Enseignements d’un sorcier yaqui» ne dit pas autre chose. L’un des préceptes essentiels de la sagesse est de briser la routine. Le déplacement de la logique temporelle est a l’esprit ce que le mouvement est au corps: un principe d’hygiène absolu.

Mais là où Harrison rejoint encore mieux Kundera c’est lorsqu’il fait peu de cas du besoin d’affirmer sa personnalité. La personnalité dit-il est un vice inhérent a ceux qui vivent dans les villes. Car dans la nature, face à l’immensité et à la force de celle-ci il est vain et dérisoire de vouloir la développer et l’affirmer. Les éléments naturels se chargent de nous renvoyer à la plus élémentaire humilité.

L’être humain qui peuple les villes est continuellement balloté entre son besoin d’identité et sa tendance au conformisme. Et si en théorie l’obéissance à la norme est un moyen de survivre elle est en fin de compte un moloch qui avale l’individu jusqu’à le broyer.

En vérité, le plus ancien des trois préceptes inscrits au frontispice du temple de Delphes et immortalisé par Socrate «Connais-toi, toi-même» gagnerai à être rappelé. Au risque d’engendrer un paradoxe: seuls les gens qui se connaissent eux-mêmes n’attachent pas d’importance à leur image. Ils peuvent jouer avec elle, surprendre le public et leur entourage proche, être constamment à l’avant-garde d’eux-mêmes sans craindre d’être mal jugés. C’est pourquoi les personnalités excentriques fascinent. Dans leur dépassement des conventions il n’y a rien de factice. L’artifice n’est pas opposé à la nature. Il en est sa nécessité. «Le monde étant périssable, je ne fais que de l’artificiel» chantait le poète perse Omar Khayyām.

Face à l’oppression du conformisme et à sa triviale dictature il faut toujours plus d’imaginaire. More is More!

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