BY COURTESY

Philosophy

Le Club des goûteurs exquis

Aller au sommaire —par Cyril A. Skinazy Read this article in English

L’aventure ce n’est plus seulement aller le plus loin possible, découvrir des civilisations disparues, suivre les traces de Rimbaud en Abyssinie ou le sillage d’Henry de Monfreid sur l’écume de la mer rouge. L’aventure, par l’éternelle nécessité qu’elle a de se surprendre elle-même, c’est plus que jamais un voyage intérieur dont le goût—quintessence de la civilisation—serait la porte d’entrée. À ce titre Paris, longtemps figé dans le souvenir d’un âge d’or poétique et artistique, perdu dans sa nostalgie d’antiques avant-gardes, reprend les rênes de la modernité. C’est à table, à présent, que se jouent l’esthétique, la philosophie et la poésie, c’est dans l’assiette que l’art de vivre envisage de nouvelles frontières. Le club des Gouteurs Exquis, société secrète d’affamés exemplaires à expédié ses ambassadeurs dans ces exaltants et savoureux territoires.

J’ai des goûts très simples… je me contente du meilleur

—Oscar Wilde

Sardinas Airlines, une œuvre de Bruno Mallart.

—Bruno Mallart, courtesy Galerie Bayart

Chassez le naturel il revient à l’indo

La Coloniale

Madame Mœur à La Coloniale, un restaurant sur la rue Mazarine à Paris.

Madame Mœur à La Coloniale —photo par David Henry

Si l’on peut invoquer une déchirure de l’espace temps pour expliquer la disparition d’avions au dessus du triangle des Bermudes on peut aussi y voir la cause de l’évanouissement de sybarites dans la plus célèbre ville de la gastronomie mondiale. Car on ne l’avoue pas assez, plus d’un grand viveur exquis s’est trouvé avalé par une de ces failles spatio-temporelles. Et c’est ce qui risque d’arriver au voyageur immobile qui pénètre dans l’antre de Madame Mœur.

La tenancière de cette auberge de la Jamaïque façon khmère ne régente cependant pas une taverne mais une caverne sur laquelle Ali Baba, pourtant blasé aurait pu s’extasier. Il faut faire de sa vie une œuvre d’art préconisait le philosophe Michel Foucault et si celle qui voulait faire les beaux arts mais a épousé un danseur chorégraphe et metteur en scène cambodgien fait mine de traîner sur le sol ses ailes de couteaux oxydés c’est pour mieux déjouer le mécanisme du temps et prodiguer ses sortilèges. Avec ses linteaux et portes de pagodes, têtes de pirogues, géant de bronze, vestiaire anglais transformé en bar et une myriade d’objets improbables chinés avec un goût très sur, cette enclave de la rue Mazarine abrite le boudoir d’une esthète exilée.

Côté cuisine, la richesse et la subtilité des plats sont à l’image du décor. Des beignets de pain aux crevettes à l’amok au riz sauté arrosé de sang des cailloux ou de Chinon pierre chaude pour finir sur des perles de coco en nage de gingembre au tapioca et riz gluant, le voyage est réussi, les années 1960 et Phnom Penh nous subjuguent simultanément.

La Coloniale: se trouvait au 25, rue Mazarine 75006 Paris jusqu’en 2016; 01 43 43 69 10.

Le goût du péché

Boulettes

Les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent être, pas plus que le contraire prétend le Kamasutra. Il en est des objets comme des âmes, des paysages comme des villes. Ainsi la rue Saint-Denis, lieu historique des filles de petite vertu qui troque peu à peu son parfum de soufre pour des effluves plus subtiles. S’il en faut une preuve c’est bien l’installation de Kevin Austruy au n° 179, chef virtuose et d’une totale exigence, dans un écrin cosy et dans le vent, poétisé au sous-sol par les fresques de l’artiste Lazarine.

Le maître des lieux qui a assisté longtemps de célèbres éminences reçoit comme à la maison et ne semble avoir qu’un souci, celui de nourrir ses contemporains de la meilleure manière qui soit pour une somme modique. Ce sacerdoce qui suppose une longue expérience doublée d’un art de funambule remplit sans faute sa mission sacrée. On pourrait aisément, du reste, trouver ces nourritures à la table de prélats désireux de garder secret leur hédonisme.

Ces boulettes, aussi bien de bœuf charolais que d’agneau de Bellac, de poisson ou végétales, consacrent la résurgence d’une époque disparue. Jouant avec une palette de 70 fruits et légumes en été, elles sont une véritable gourmandise au point que les desserts qui les suivent comme la tarte au citron meringuée au jus de citrons pressés ou celle aux fraises et pistaches—pourtant excellents—ne pourront les faire oublier. Dans la rue des plaisirs, désormais l’extase est plus vertueuse.

Boulettes: 179, rue Saint-Denis 75002 Paris; 01 42 21 46 44.

Quintessence de la grâce

Penati al baretto

Alberico Penati, le chef de cuisine du restaurant Penati al baretto sur la rue Balzac à Paris.

Alberico Penati, le chef de Penati al baretto —photo Jérôme Mondière

En 1528 parut l’un des chefs-d’œuvre de la littérature italienne. Le livre du courtisan, du poète, diplomate, homme de guerre et néanmoins humaniste Baldassare Castiglione, connut un immense succès à travers toute l’Europe. Loin d’être un manuel de l’intrigue et des faux semblants ce «Courtisan» porte en lui toutes les qualités que la Renaissance exige de l’homme individuel et social et unit brillamment l’idéal chevaleresque du Moyen Âge à l’idéal culturel de l’humanisme.

Dans cet ouvrage, ce grand codificateur de la bienséance avance l’idée que la courtoisie ne peut être vraiment parfaite qu’accompagnée d’un sens de la grâce, et que la perfection dans le raffinement ne peut être atteinte et perçue qu’à la faveur d’un style. En toute chose, dit le poète mantouan, on doit faire preuve d’une certaine sprezzatura qui cache l’art et montre que ce que l’on fait et dit est venu sans peine, presque sans y penser.

Cette désinvolture étudiée, doublée d’une indifférence feinte, destinée à laisser deviner un mérite bien plus important que celui que l’on veut bien montrer possède encore tous les charmes.

De nos jours, cette si enviable sprezzatura effleure des musiciens et des sportifs, habille des acteurs, inspire des écrivains, envoûte des hommes politiques. Plus rarement, ce sens subtil de la facilité et de la tradition qui dissimule l’effort en arrière-plan, soudoie les cuisiniers.

Pourtant il est un endroit sur lequel souffle indéniablement ce style singulier décrit par l’écrivain de Charles Quint. C’est Penati al Baretto, table désormais étoilée, située rue Balzac à Paris.

Originaire de Casatenovo en Brianza, au nord de Milan, Alberico Penati quitte l’école à 14 ans pour faire son apprentissage dans un restaurant traditionnel tenu par une famille vénitienne à Lecco. À l’instar des artistes de la Renaissance appelés dans toutes les cours d’Europe—comme Arcimboldo qui l’inspire—il passe des grands hôtels italiens aux palaces français et britanniques. Lieutenant d’Angelo Paracucchi au Royal Monceau et de Troigros à Roanne il contribuera au succès londonien des Harry’s Bar et Annabel’s de Mark Birley pendant plus de deux décennies puis avec Robin Birley—le fils de Mark—au lancement du célèbre club «5 Hertford Street» de Londres, haut lieu de la bonne société et aristocratie anglaises.

Dans le restaurant de la rue Balzac, lancé avec l’homme d’affaires vénitien Pier Silli, l’harmonie délicieusement nonchalante, se reflète dans toute chose. L’ordre et la géométrie du décor, tempéré par les photos d’étoiles du cinéma réaliste italien issues de la collection de Massimo Gargia, l’élégance solaire de Francesca Gillio, celle enjouée du sommelier virtuose Massimo Tacono, la bienséance du directeur de salle Philippe Landat et de ses sentinelles, et bien entendu les nourritures, aussi terrestres que spirituelles. La salade de Puntarelle à la romaine, le risotto au safran de Toscane, les spaghettis Setaro aux sardines à la manière sicilienne, les pacherri Kamut Verrigni à la tomate «Gerardo di Nola» et basilic, les raviolis de potimarron comme à «Cremona» pour finir sur un baba au rhum à la liqueur de «Strega Alberti» comme a Benevento, telles sont les choses qu’il me fut donné de goûter. Quant à l’hommage à Bacchus il fut rendu par «Le Baretto», apéritif à base de Martini blanc et d’Amaretto di Saronno ainsi que par deux excellentes cuvées de Chianti. L’essence même de la séduction est le sentiment que malgré l’intense plaisir d’une expérience, subsiste un profond mystère, une grandeur dissimulée, qu’il nous tarde comme cette indicible sprezzatura, de rencontrer à nouveau.

Penati al Baretto: 9–11 rue Balzac 75008 Paris; 01 42 99 80 00.

Le monde des possibles

Blueberry & la Bocca della verita

Dans l’univers quantique la réalité apparente est aussi riche de promesses que de surprises. Comme au royaume de Serendip tout peut arriver. Ce mystère du visible révèle un code secret du grand Livre des transformations. Marie Lorna le sait sans doute, elle qui a écrit «le monde des possibles», l’une des preuves de ses multiples dons. Son art de vivre et de donner corps à ses rêves se voit dans les deux excellentes tables qu’elle a lancé à Saint Germain des Prés avec sa sœur Florence, elle aussi amie des muses. De la Bocca della verita dont le nom est emprunté à un bas relief de l’Église Santa Maria é Cosmedin de Rome à Blueberry, titre évoquant à coup sûr la bande dessinée, c’est un voyage entre l’Italie et le Japon mené avec bonheur. À la Bocca, la passion des deux sœurs pour les pâtes transcendée par le talent d’Antonio Vassallo fait des merveilles. Les linguine à la boutargue relevées d’une pointe de piment, ou aux palourdes, les tortellini à la crème de truffe blanche sont un supplice de Tantale.

Juste à côté au Blueberry, les makis californiens établis par M. Luu atteignent des cimes de précision et de finesse. Déguster un Rakkham le rouge nourri à la tempura de gambas et au carpaccio de truffes noires ou un Miss yuzu voyagé de concombres et d’œufs de poissons volants est un pur moment d’épicurisme.

La Bocca della verita: 2, rue du Sabot; 01 45 48 96 65; Blueberry: 6, rue du Sabot 75006 Paris; 01 42 22 21 56.

Diamants sur canapés

Viandas de Salamanca

Viandas de Salamanca, charcuterie espagnole sur le boulevard Saint-Germain à Paris.

Viandas de Salamanca —photo par David Henry

Un jour, un admirateur de Salvador Dalí demanda au peintre catalan quel était le secret pour devenir riche et célèbre. Le maître de Cadaques, qui n’était pas à une provocation près, répondit aussitôt que la méthode qui lui avait permis d’atteindre le firmament de la gloire et de la fortune était de boire du champagne et de manger du caviar tous les jours. S’il n’avait craint d’édulcorer sa réplique il aurait pu sans peine citer le Jamón Ibérico, fleuron de la gastronomie espagnole et même mondiale, désormais aussi prisé que les fameux œufs d’esturgeon.

Mais pour moi qui défend en tous lieux et toutes places une éthique strictement végétarienne, en pénétrant dans cette échoppe parisienne, je me suis senti comme le héros du roman de Marcel Aymé, Le bœuf clandestin. La seule entorse cependant, depuis des mois, à ma discipline, mais je dois dire sans regret, tant cette délicate merveille constitue un Everest gustatif.

Cette chose insensée qui se déguste lentement et fond en bouche avec une richesse de saveurs inouïes est le fruit de cochons de race foncée, presque noire élevés en liberté. Nourris entièrement des glands de chêne Encina pour le Bellota, de glands et de céréales pour le Cebo de Campo ils sont affinés entre 22 et 60 mois, cette maturation extrême produisant le Bellota Grand Réserve, graal du raffinement.

Viandas de Salamanca à Paris est l’une des quinze antennes créés par un groupement de trois éleveurs de Guijuelo. La boutique est l’un des trois établissements tenus par Julien Lescarret, ancien torero français et Mila Bizot. Dans cette ambassade du goût ibérique on trouve également un délicieux «hornazo», feuilleté de jambon, lomo et chorizo, des huiles d’olive aux arômes suffisamment intenses pour être dégustées sur une tranche de pain, d’authentiques fromages de chèvre et de brebis et de capiteux vins rouges Cruz de Alba Crianza et Ramón Bilbao Rioja. ¡Vamos! comme dirait Rafael Nadal en lançant un coup droit explosif sur le court central de la porte d’Auteuil.

Viandas de Salamanca: 150, boulevard Saint-Germain 75006 Paris; 01 43 54 86 14.

Last night a DJ saved my life

Le Stendhal

On ne gagne pas de bataille en envoyant au feu des mercenaires. Francois 1er était lui-même à Marignan et Fidel Castro retranché avec 3000 hommes dans les montagnes de la Sierra Maestra a donné de sa personne lors l’attaque décisive de la caserne de la Moncada. En matière de cuisine certaines brigades aussi chevronnées que des gardes suisses peuvent se faire décimer faute d’un capitaine clairvoyant. Les fantassins helvètes anéantis dans la plaine du Po par le jeune roi de la Renaissance en virent leur légende d’invincibilité voler en éclat. Dans la guerre du goût une seule tête bien faite vaut mieux que cent mains bien pleines comme le prouve David Souma, sentinelle avisée de bateaux ivres en quête d’éveil maritimes. Avec le Stendhal, relais de poste Paris Dakar enclavé prés du Père Lachaise, la Cantine roborative et savoureuse dresse un pont aérien entre la France et le Sénégal. Une cuisinière, Annie Duvauchelle, figure du quartier, régale à midi, des hordes de fans de succulents plats des familles tandis que le soir tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Je veux parler des thieps, maffés et colombos accompagnés d’une sauce à faire vaciller l’échelle de Scoville. On dit que la musique adoucit les mœurs. C’est sans doute vrai pour le maître des lieux, ancien DJ fameux qui vous gratifiera d’un balsamique jus de gingembre pour éteindre l’incendie.

Le Stendhal: 30, rue Stendhal 75020 Paris; 01 43 58 03 95.

Not prohibited

Fanfan la tulipe

Dans “The long goodbye” de Raymond Chandler, le célèbre détective Philip Marlowe exécute une variation savoureuse sur les différents types de blondes, ces femmes fatales qui arpentent les nuits américaines. Ces spécimens aux accroche-cœurs scintillants et au charme vénéneux qui hantent la mythologie des romans noirs sont légion, tout comme les lieux qu’elles fréquentent, speakeasy et bars interlopes.

De celles comme Betty Page ou Veronica Lake, égéries du calendrier des Vargas girls à la chasseuse d’aristocrates qui finira dans une villa d’Antibes, hiératisée de diamants, ces beautés sulfureuses ou ingénues ne manquent pas de tenir, avec nonchalance, entre fume cigarette et briquet monogrammé, un verre de Mary Pickford ou de Monkey Gland, peu soucieuses des possibles incursions d’un Eliot Ness traquant les substances illicites.

À Paris, que vous soyez blonde comme Lana Turner ou brune comme Gina Lollobrigida—interprète fameuse de Fanfan la Tulipe avec Gérard Philippe—vous pourrez déguster un side-car ou un mint julep dans un lieu qui porte le même nom que le roman de Pierre-Gilles Veber sans craindre un règlement de compte entre Al Capone et Meyer Lansky. Et tard dans la soirée, sous l’œil caustique d’un zèbre protecteur et d’ondulations musicales choisies, vous pourrez déguster des amuse-gueules roboratifs qui ne se moqueront pas de la vôtre.

Fanfan la tulipe: 14, rue des Cinq Diamants 75013 Paris; 09 82 32 62 23, avec Guillaume Sereau, Bar & Playlist Maxim.

Les délices du Marquis

Il gelato del marchese

Il gelato del marchese, le glacier sur la rue des Quatre Vents à Paris.

Il gelato del marchese —photo par David Henry

Je reviens rue des Quatre Vents, dans un écrin rempli de lumière. Dans la vitrine trônent de grands cercles animés, comme l’horloge de World’s End, la boutique mythique de Vivienne Westwood, dont les aiguilles tournaient en sens inverse. Cette image quantique est parfaitement adaptée au lieu, il Gelato del Marchese, ce délicieux salon de thé lancé par des esthètes épicuriens romains et toscans. Ici nul besoin de la machine de H.G. Wells ni de la De Lorean du Dr Emmet Brown dans Retour vers le futur pour voyager dans le temps, mais de splendides fauteuils et canapés régence, un festoyant lustre en cristal ancien, des tasses en porcelaine de Saxe, des cuillers et théières en argent massif, qui n’auraient pas dépaysé Marie-Antoinette. L’initiatrice de cette faille spatio-temporelle au cœur de l’air du temps germanopratin s’appelle Veronica, amphitryon chaleureuse, au goût très sûr.

Il Gelato del Marchese s’est donné pour mission d’élever cet entremets vers les cimes glacées de l’excellence. Depuis que Marco Polo est revenu de Chine avec cette spécialité que les tables royales et papales vont distinguer il ne manque pas d’artisans inspirés tels des alpinistes prêts à affronter cet Everest gustatif. Mais c’est précisément un autre Marco, glacier de renom à Rome que Renato et sa muse raffinée ont sollicité pour réaliser une carte capable de changer un habile savoir-faire en hédonisme pur.

Ici le fond et la forme se toisent en un duel voluptueux et poétique. Les délicates serveuses en livrées de pages immaculées viennent déposer sur les guéridons de marbre patinés, dans des coquilles de verres aériennes, des glaces à la tomate et au basilic, au gorgonzola, à la ricotta, à la truffe blanche, des sorbets pomme, raisin, vin rouge et pour initier de prometteuses extravagances, une poire parfumée à la bière, d’un chic absolu.

N’ayant pu résister aux sirènes d’une vanille insensée et d’un pur chocolat aussi radical que la Winchester de Joss Randall, je contemple les roues des vitrines, emporté soudain dans un Pullman de l’Orient Express, à une autre époque.

Il Gelato del Marchese: 3, rue des Quatre Vents 75006 Paris; 01 46 34 75 63.

Dolce Rita

Il Settimo

L’écrivain et cinéaste Alejandro Jodorowski dit que Dieu n’est pas au dessus de nous mais plutôt que nous vivons en lui. Ainsi, un soir, attendu pour diner, je ne me résignais pas à quitter l’inauguration d’une galerie ou la fête battait son plein. Le champagne était de premier ordre, les petits fours insensés et la bienséance de mise. C’est alors que mon téléphone sonna, C’était précisément Rita la propriétaire du restaurant où j’étais convié qui me proposait de venir un peu plus tard car elle se trouvait disait-elle dans un vernissage.

Une heure après je franchissais la porte du Settimo, montait un escalier au dessus duquel trônait un imposant lustre de cristal et fut accueilli par Rita, mon hôte, aussi stupéfaite que moi. Et pour cause, nous venions de nous croiser—sans pour autant nous reconnaître—quelques dizaines de minutes plus tôt à l’élégante soirée.

Avec ma partenaire d’épicurisme, installés à l’écart près d’un miroir, sous l’œil alangui d’une odalisque, nous nous délectâmes de carpaccio de bar aux herbes, et plus que de raison de raviolis a la ricotta et aux épinards, arrosés d’un succulent vin des Pouilles, tout en flottant sur des modulations célestes*. Le dessert devait arriver et alors que la soirée s’achevait sur des vibratos a émouvoir les anges, la maîtresse des lieux me confia qu’elle espérait un hôte qui ne semblait pas vouloir apparaître. Entre la glace a la menthe, le fondant au chocolat, et le gorgonzola, elle insista pour me voir chanter. Avant que je ne me décide à malmener la Bohème du grand Charles elle me demanda mon nom et comprit aussitôt dans une explosion de rire sa méprise: j’étais précisément le convive attendu qu’elle n’avait cesser tout au long de la soirée de vouloir joindre au téléphone. Plus tard lorsque je descendais l’escalier impassible et échouais dans la rue, tel un bateau ivre, je jetais un dernier coup d’œil dans la vitrine digne d’une vie de Casanova, et pus y lire: il Settimo, cuisine romaine».

Il Settimo: 57, rue de Bellechasse 75007 Paris; 01 45 50 39 27, soirées opéra et jazz.

*Michela Misco, pianiste et chanteuse lyrique, Sébastien Fournier, contre-ténor.

La cuisine de l’art de la cuisine

Kei

Kei Kobayashi, le chef de cuisine du restaurant Kai sur la rue Coq Héron à Paris.

S’il n’avait été chef étoilé, Kei Kobayashi serait un pop artiste ou une rock-star. Plus sûrement Andy Warhol l’aurait sérigraphié sans lésiner sur fond doré, jaune vif ou rose fuchsia. Mais le peintre des Marilyns et des Liz Taylors qui savait si bien manger un hamburger devant une caméra aurait mieux apprécié le décor néo classique du restaurant de la rue Coq Héron que le contenu des assiettes. Car chez Kei la cuisine fusion franco-japonaise, servie selon un cérémonial distingué s’adresse aux palais raffinés. Ici, dans la salle où trône un imposant lustre en cristal Saint Louis, c’est avant tout une proposition autant cérébrale que sensorielle, qui flirte à dessein ou inconsciemment avec les audaces de l’art conceptuel. Des artichauts poivrade en tempura farcis au mascarpone, truffes et jambon a l’os au bar sur écailles avec écume de pamplemousse limequat en passant par la langoustine rôtie au curry écume de kabocha et jus de romarin, la preuve épicurienne est ici donnée. L’art, la philosophie et la gastronomie sont bien une seule et même chose.

Kei: 5, rue Coq Héron 75001 Paris; 01 42 33 14 74.

Le maître de la couleur

Ze kitchen Galerie

En Asie, le principe unique est la base même de la conception de l’existence. Dans la fraise, disait Picasso, les pépins sont à l’extérieur, alors quel est le fond, quelle est la forme? Une boutade du peintre espagnol qui ne devrait pas troubler William Ledeuil, car le chef aux commandes de Ze Kitchen Galerie, grand connaisseur de l’Extrême-Orient, dont la cuisine est inspirée, sait que l’essence des choses et leur apparence ne peuvent être séparées. En fonction des arrivages, entre subtil yin et yang, l’artiste compose des assiettes aux saveurs aussi intenses que leur beauté chromatique. Riz vénéré, crabe mou et tempura, encornets snackés à la plancha, accompagnés d’un Pouilly-Vinzelles biodynamique donnent un aperçu de la partition de l’orchestre, jouée en cuisine chaque jour avec inspiration. Avec un service millimétré le plaisir, autant esthétique que gustatif, est total.

Ze Kitchen Galerie: 4, rue des Grands Augustins 75006 Paris; 01 44 32 00 32.

Boulevard des Agapes

Le BAT

Avant qu’ils ne deviennent ces chemins impatients constellés d’estaminets bruyants et de bars à bière anglo-saxons, les Grands Boulevards se distinguaient sous la Restauration par d’élégants cafés ou les extravagants, les gandins et les dandys s’affichaient les pieds calés sur leur chaise en regardant passer les belles qui se promenaient sous leurs ombrelles.

Aujourd’hui le boulevard Montmartre semble lorgner vers son sémillant passé a l’instar de ce BaT, restaurant qui bien que cédant aux critères de la modernité par son décor à la fois arty et minimaliste, signe un retour du chic et de la volupté dans un quartier longtemps malmené. Le nom «BAT» (bar à tapas) autant que le slogan «le bar ou l’on mange bien» rendent à peine compte de la qualité proposée, car cette table lancée par Joyce Levi et Emmanuel Catsoyannis, dirigé par Amine Chraibi sur une carte élaborée par Yariv Berrebi ex Ze Kitchen de William Ledeuil, est une pure merveille. Le service efficace et attentionné, l’excellence des produits et les assiettes présentées comme des tableaux combleront autant les gourmets que les obsessionnels de photos culinaires. Un pur moment de plaisir, avec entres autres émotionnelles propositions, des tempuras de légumes, exquises.

Le BAT: 16 bis, boulevard Montmartre, 75009 Paris; 01 42 46 14 25.

Escapade vintage

Le Hibou

Dans l’Escamoteur, un tableau célèbre conservé dans le coffre fort du musée de Saint-Germain-en-Laye, le peintre Jérôme Bosch dénonce la crédulité de ses contemporains. Dans le même registre des choses cachées, le hibou, héros de la symbolique égyptienne révèle ce qui échappe au regard et que seule la sagesse peut appréhender. Ainsi du lieu éponyme à quelques coudées du métro Odéon, rendez-vous mythique des aventuriers de la passion. Peut-on dire que cette fringante terrasse au décor entre le bar cubain et le cabinet de curiosité, recèle d’autres mystères qui échappent même a leurs instigateurs?

En compagnie de ce nyctalope volatile, après avoir dégusté une cuisine d’une grande fraîcheur, conclue sur un mi-cuit au chocolat ou une tarte tropézienne du chef pâtissier Jérémy Février on peut se laisser griser au Nid, a l’étage par l’atmosphère surannée de Clémence Goutal entre bar anglais vintage et auberge de la Jamaïque puis se laisser tenter en pente douce par un cocktail «Commandante, Brazooka ou Hasta Siempre» du mixologiste Stéphane Picaut. Sous une indolence qui sacrifie à l’air du temps se trouve peut être l’aube d’un voyage intérieur.

Le Hibou: 16, carrefour de l’Odéon 75006 Paris; 01 43 54 96 91.

—by Cyril Aslan Skinazy

Folies Royales

Le Bien Aimé

Le Bien Aimé, un restaurant sur la rue d’Anjou à Paris.

Le Bien Aimé —photo par David Henry

Au xviiiè siècle, à la cour on pouvait écarter un rival par un mot d’esprit ou un croc en jambe comme l’attesta Ponceludon, héros de Ridicule, le film de Patrice Leconte. Mais sauf à faire une révolution on ne pouvait faire trébucher le Roi.

De nos jours en France, l’esprit semble s’être transporté dans les cuisines, et les nouveaux salons courus sont les tables exigeantes et inventives. Le Bien Aimé, hommage à Louis XV, Duc d’Anjou, situé à Paris dans la rue éponyme, déroule ses épigrammes sans pathos ni amphigouri. Erwin Durand passé chez Robuchon et Loiseau et son maître des breuvages Martin Lutz, féru d’histoire de France, ne trahissent pas l’esprit du successeur du Roi Soleil, à l’hédonisme mémorable. Sont aristocratiques ces asperges vertes gratin inversé et colonnata, ce bar et son chemin de chou frisé, ces spaghettis à l’huile d’olive et ail croustillant, cette volaille de Bresse aux salsifis, cages de pommes de terre et cet instant glacé, le tout si bien aimé.

Le Bien Aimé se trouvait au 18, rue d’Anjou 75008 Paris jusqu’au printemps 2019; 01 42 65 45 99.

Délices d’initiés

Chez Fernand

Rémi Lebon et Dimitri Labaye ont depuis quelques lustres repris une adresse connue des palais exigeants, amoureux de la tradition culinaire française, chez Fernand. Les connaisseurs savent que Rémi, le chef qui arpente tous les dimanche matin le marché de Clamart ira pour eux dénicher les ingrédients les plus prisés pour confectionner des plats fameux. De son poulet Providence à la crème et au cognac à son bourguignon de noix de joue de bœuf sur fond de canard cassis, le grand viveur est sûr de trouver ici quelques succulences sous le manteau, comme un pigeon ou un faisan déniché à la diable. Et ce passionné qui se targue de contenter les appétits les plus singuliers ne se repose pas sur ses lauriers au point qu’il pourrait entre autres rêveries culinaires nous concocter un oreiller de la belle aurore, fameux hommage à la mère de Brillat-Savarin.

Chez Fernand: 13, rue Guisarde 75006 Paris; 01 43 54 61 47.

Villa patricienne

Café Artcurial

Alexandre le Grand tranchait d’un coup d’épée les questions épineuses, le chef du café artcurial doit lui aussi tenir du général de l’antiquité car ses choix radicaux ne font pas dans la demie mesure. Pour preuve, sur ce navire au pont majestueux barré par Émilie, amiral aussi chaleureux que déterminé, tout est à l’avenant. Décor hiératique, service attentionné et souriant, produits de premier choix comme cette huile d’olive venue droit de la péninsule et qui accompagne à merveille un spritz a l’apéritif. Telle une réminiscence des anciens usages royaux les spécialités viennent tous les jours des cuisines de Fontainebleau, jouant une symphonie de légumes farcis ou exaltés et les pastas alla vongole ou selon une secrète recette de grand-mère sont un pur moment de rock and Rome.

Café Artcurial: 7, rond-point des Champs Élysées-Marcel Dassault 75008 Paris; 01 53 76 39 34.

Fresh, so fresh, exciting!

Fresh Bagels and Juice

Fresh Bagels and Juice sur la rue Froment à Paris.

—photo Philippe Chanelet-Dardenne pour By Courtesy

Pierre Loti considérait le décor comme l’essence même du voyage et la porte d’entrée vers un florissant imaginaire. Un art de vivre de l’écrivain voyageur appliqué à la lettre chez Fresh Bagels and Juice, ce lieu cosy ou chaque objet, du carrelage aux chaises peintes à la main en passant par le mur végétal possède un charme fou. Jus de fruits fraîchement pressés, bagels de haute qualité, desserts de la fameuse Rachel et accueil délicieusement levantin de Nadja et Chanel, donnent envie de s’y installer comme dans un tortillard bucolique en route pour Istanbul. En prime des soirées littéraires à l’Annexe, juste à côté.

Fresh Bagels and Juice: 1, rue Froment 75011 Paris; 01 55 28 61 32

La taverne sybarite

Le Café Martini

Il y a au 11, rue du Pas de la Mule à Paris un lieu dédié à la convivialité et à la conversation qui n’est pas sans rappeler les auberges vénitiennes fameuses au xviiiiè siècle. Car cette taverne du Marais, ouverte comme une scène de théâtre pourrait abriter un casino dans lequel Marina Morosini, maîtresse de Casanova et de M. de Bernis faisait servir des mets exquis et des vins raffinés. Et de fait, siroter des Bellini, des Negroni ou des Spritz en partageant des assiettes de mortadelle négrini ou de pizza fourrée à la crème de truffe noire, d’irrésistibles beignets d’antiques recette de famille au jambon vieille réserve sont un indéniable prélude à l’amour et à l’érotisme. De quoi largement faire revenir le comte de Saint-Germain pour rivaliser de plaisirs avec le chevalier de Seingalt.

Café Martini: 11, rue du Pas de la Mule 75004 Paris; 01 42 77 05 04.

Haute voltige

Le Kube

Dans le funambule, Jean Genet évoque un forgeron qui tous les matins parlait a son enclume avec des mots caressants, une recommandation formulée à l’équilibriste pour que celui ci apprivoise son fil. Eugène Herrigel, auteur du Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc ne dit pas autre chose: il ne peut y avoir d’art absolu que si le tireur, l’art, la flèche et la cible se trouvent en totale harmonie.

Jérémy Moscovici et Jean-Baptiste Ascione, les deux bateleurs qui officient dans le quatre étoile réputé pour son bar polaire, parlent-ils à leurs ustensiles? Susurrent-ils à leurs marmites des mots onctueux comme le faisait Robert Redford à l’oreille des chevaux dans un film fameux? Nous voulons bien le croire, car la cuisine, art aussi périlleux que celui du poète, du guerrier ou du torero rend son verdict instantanément. Après un amuse-bouche et une entrée qui perdent le fin mangeur dans la lande lointaine, les plats de résistance redressent honorablement le balancier. Le turbot grillé avec son émulsion de petit pois et radis est distancé cependant par l’agneau, salsifis et ail noir du Japon.

L’apothéose viendra toutefois des desserts d’Anaïs Teynie avec une crème sorbet, concombre, yuzu et une tarte émiettée fenouil, framboise, pistache, une véritable tuerie. Quant aux cocktails du barman Sud africain Philip Myburgh, dont la courtoisie et l’élégance peuvent être une référence, ils sont ce que l’on fait de mieux à Paris. Ses side-car et ses Bees Knees gravissent les sommets des montagnes et peuvent vous mettre à genoux.

Le Kube: 1–5, passage Ruelle 75018 Paris; 01 42 05 20 00.

Extase des apparitions

Evi Evane

Cette scène inoubliable du «Casse» le film d’Henri Verneuil qui nous plonge dans l’atmosphère hautement hédoniste d’un restaurant grec, oppose Omar Sharif à Jean-Paul Belmondo. Entre deux appétissantes allusions, des plans de coupe nous montrent des mains qui sortent du four des plateaux de gratin fumant ou plongeant de la pâte à beignets dans l’huile bouillante. Une invocation à peine voilée de Dyonisos, le Dieu antique de l’ivresse et de l’extase qui permettait à ses fidèles de dépasser la mort.

À Paris c’est toujours le Dieu de la vigne et de ses excès, du théâtre et de la tragédie qui inspire Evi Evane, un autre lieu consacré aux hellénistiques agapes, et tenu par Dina et Maria Nicolaou.

Dina qui cuisine depuis l’âge de 12 ans n’à peut-être pas échappé à des pirates comme la tumultueuse divinité mais n’en accompli pas moins des prodiges. Célèbre à la télévision elle rend encore hommage à l’éternel voyageur de la mythologie en surgissant par surprise dans les régions du pays d’Homère pour en chanter les merveilles, à l’avenant des 12 livres qu’elle a écrit.

Des feuilletés de fromage au miel, aux savoureux beignets de morue, des keftas fondantes aux œufs de cabillaud naturels, des dolmas irrésistibles à l’aérienne moussaka, pour finir sur une crème au chocolat intense accompagnée de doigts de Reine au pistaches, Dina nous transporte de la Crète qu’elle affectionne aux Cyclades, en émissaire passionnante d’une cuisine millénaire transcendée.

L’injonction d’Hippocrate «Que ton aliment sois ta seule médecine» trouve ici tout son sens. La finesse du goût doublée d’une générosité courtoise et chaleureuse annoncent une prédiction auto-réalisatrice.

Evi Evane—avec bonheur—à notre santé: 10, rue Guisarde, 75006 Paris; 01 43 54 97 86.

Bistrot hallucinogène

Le café Mimosa

Le champion de tennis Roger Federer n’est pas le joueur le plus expansif mais à l’instar d’un illustre prédécesseur, Ilie Nastase, il est capable de sortir de sa raquette les coups les plus mirifiques. C’est sans doute dans le registre de la botte secrète, l’air de ne pas y toucher, que joue le chef du café Mimosa, plus helvète impavide cependant que roumain démonstratif. Car cet ancien cuisinier de Luc Besson qui torée dans le bistrot démocratique et vous sort des véroniques à faire chavirer l’assistance c’est comme si El Cordobes jouait dans une obscure arène ibérique en justaucorps de grosse toile. Pas d’habit de lumière mais un jeu acéré comme une lame de Tolède. Tout se joue dans l’assiette à l’instar de ces croustades de chèvre chaud au miel, cette salade landaise à encorner un innocent et ce lieu rôti aux aiguilles de thym aussi brillant qu’un passing-shot entre les jambes, dos au filet. De quoi rappeler que chez certaines ethnies sud américaines le mimosa est une boisson hallucinogène. En épilogue une fourchette sépare la holà de l’ovation: un moelleux et sa coulée de chocolat aussi persistants en bouche qu’une glissade sur la terre ocre.

Le café Mimosa: 27, rue du pont Neuf 75001 Paris; 01 40 26 30 74.

Cake Gallery

Mori Yoshida

Mori Yoshida, une grande baie vitrée face au soleil qui donne sur un espace blanc au décor minimaliste. Les gâteaux dans les vitrines sont comme des pièces d’art contemporain. Ce pâtissier, star de top chef dans son pays à incontestablement le sens esthétique. Son inventivité sur le plan de la forme nous laisse baba comme ce classique qu’il revisite avec audace. Une tarte aux poires parfaite, un mont blanc vertigineux et un éclair au chocolat mémorable nous donnent envie de déguster toute la collection.

Mori Yoshida: 65, avenue de Breteuil 75007 Paris; 01 47 34 29 74.

Déambulations hédonistes

Bustronome

La “Slow revolution” c’est aussi traverser Paris à bord du bus-restaurant «Bustronome». Un voyage gastronomique. Sensationnel à travers les plus beaux endroits de la capitale. Une parenthèse romantique à souhait, ponctuée de mets raffinés et de vins choisis, qui fera de vous, le roi de la ville lumière. Départ: 2, avenue Kléber 75016 Paris; 09 54 44 45 55.

Show devant

Dans son vaste restaurant style loft New-Yorkais, le chef Olivier Chaput, animateur culinaire pendant plusieurs années sur la chaine Gulli, propose une cuisine mitonnée et généreuse, un gigot de sept heures et de nombreux délices comme ces brick au chèvre chaud et au miel. Quant au service, chaleureux, grâce au jovial maître de salle, il est gagnant. Une convivialité confirmée par l’invitation, une fois par mois d’un chef ami pour la confection d’un menu éphémère. Esplanade Pierre-Yves Cosnier, 94800 Villejuif; 01 49 60 61 70.

Citrus étoile

Le chef Gilles Épié déploie son savoir-faire sur une carte qui change tous les mois au gré des produits de saison. C’est une cuisine riche et subtile à l’image de ces sardines royales marinées à l’orientale ou de cette daurade sauvage tout aussi princière aux asperges vertes primeur de l’île de Noirmoutier. Une randonnée permanente à travers une cuisine française revisitée dont de savoureux desserts concluent le plaisir. 6, rue Arsène Houssaye 75008 Paris; 01 42 89 15 51.

L’atelier de maître Albert

Excepté la décoration signée Jean-Michel Wilmotte l’atelier de Maître Albert, situé dans la rue éponyme, antenne de Guy Savoy, pourrait rappeler un ancien relais de poste. Et la vaste salle ou trône une imposante cheminée aurait pu aisément accueillir d’Artagnan et ses mousquetaires pour déguster quelques chapons après une longue chevauchée. Un service attentif et efficace, une carte des vins très pointue, comme ce Condrieu, d’excellente mémoire. 1, rue Maître Albert 75005 Paris; 01 56 81 30 01.

Maria Luisa

Cousin de Luisa Maria, l’un des autres lieux parisien de Giovanni et Karine, cet antre de la pizza est une valeur sûre dont quelques célébrités, telle Inès de la Fressange ont fait leur cantine. Cette cuisine du Sud de la péninsule nous botte et c’est un bonheur de se régaler d’une simple Marguerite ou Napolitaine toute chaude en sirotant un exquis vin des Pouilles sous les regards amusés de Luigi et du chat de la maison. En haut une mezzanine cosy. Mais pour y obtenir une place il faut être au moins le hospodar de Halifax ou le Nawab de Singali. 2, rue Marie et Louise 75010 Paris; 01 44 84 04 01.

Izakaya Issé

Bar à whisky ou l’on peut faire garder sa bouteille de Yamazaki, l’un des meilleurs single malts au monde, Izakaya Issé c’est avant tout un restaurant qui entre autres classiques de l’archipel sert un succulent bœuf teryaki. Conclure sur une glace au thé arrosée de saké n’est pas une mauvaise idée. 45, rue de Richelieu 75001 Paris; 01 42 96 26 60.

Mama Bali

L’Indonésie est la terre d’élection des guérisseurs spirituels à l’instar des fameux Lukhuns de Java qui pratiquent la kinésithérapie et le dénouage de l’aiguillette. À Mama Bali, enclave indonésienne à Paris, à l’authentique atmosphère balinaise une quinzaine de masseurs pratiquent un art ancestral apte à rendre au corps un bien-être inespéré. Et pour se sustenter, quoi de mieux que quelques Bala Bala, délicieux beignets de légumes croquants ou une Soto Ayam, soupe fraiche du jour, bienfaisante. 8, rue Guillaume Bertrand 75011 Paris; 01 43 14 71 50.

Sola

Hiroki Yoshitake, chef étoilé, pratique la fusion entre la cuisine japonaise et la cuisine française. C’est chic, zen et raffiné, à l’image du décor minimaliste et des assiettes délicates. Ici point de ripaille mais un rituel de la dégustation envers ce saumon fumé au bois de Sakura, velouté de choux-fleurs ou ce filet mignon mariné au miso. 12, rue de l’Hôtel Colbert 75005 Paris; 01 43 29 59 04.

Ô Château

Avec en sous-sol une salle luxueuse et d’un silence sépulcral qui pourrait aisément accueillir des réunions de sociétés secrètes, Ô Château propose des vins exquis, accompagnés de produits de terroir de haute qualité. Une ivresse jouissive, en apesanteur. 68, rue Jean-Jacques Rousseau 75001 Paris; 01 44 73 97 80.

Le KB

On disait du grand prestidigitateur et spirite Harry Houdini, qu’outre sa virtuosité à exécuter ses tours il possédait le don de mystifier son assistance, en détournant son attention. N’y a-t-il pas un peu de cela au KB de Christophe Legros, à deux pas de la Porte d’Italie, restaurant à la si séduisante décoration? Car en cuisine, Antoine Versini passé par Anne-Sophie Pic, Robuchon, la Tour d’Argent et Senderens tente des numéros périlleux. Mais si vous n’avez pas le goût du risque il peut tout aussi bien vous satisfaire avec des valeurs sûres transcendées par son talent. 114, avenue de Fontainebleau 94270 Le Kremlin-Bicêtre; 01 46 72 75 97.

Coretta

Coretta, du nom de l’épouse de Martin Luther King qui surplombe le jardin du même nom dans le quartier de Batignolles, pourrait avec ses immenses baies vitrées, ses chaises de métal, ses tables en marbre et ses boiseries de chêne, se trouver aux Bahamas, Monaco, Los Angeles ou Stockholm. Il y a ici quelque chose d’ultra-moderne chic qui se retrouve jusque dans l’assiette. Un effiloché de raie à l’ail noir macéré japonais et les promesses d’un ris de veau croustillant sur le dessus et fondant à l’intérieur, sont les pions avancés par un chef passé par l’Apicius et la Grande Cascade, mais peu enclin à s’épancher. “I have a dream”, retourner chez Coretta pour être stupéfié. 151 bis, rue Cardinet 75017 Paris; 01 42 26 55 55.

Un thé au square

L’un des meilleurs tea time de Paris, grâce également aux succulents cakes au citron qui l’accompagnent. Le tout dans un hôtel à la décoration voluptueuse, telles ces portes en palissandre incurvées, chicissimes. 3, rue de Boulainvillers 75016 Paris; 01 44 14 91 90.

Johana’s fish and chips

En 1914 en Angleterre il se vendait près d’un million de fish and chips par semaine. Mais ce plat, pour le moins rustique, composé de beignets de poisson arrosé de vinaigre et de frites bien grasses, roboratif à souhait, qui est resté un emblème de la cuisine britannique, et a mis du temps à traverser la Manche, est enfin à Paris dans sa version originale. Et si ce délice populaire, ami des grandes fringales, connaît une gentrification dans les hôtels de luxe au même titre que le club sandwich, des échoppes parisiennes lui rendent avec noblesse ses lettres plébéiennes à l’instar de Johanna’s fish and chips. Dans le lieu, tenu par toute une famille qui fait penser au clan New-Yorkais du film de Woody Allen «Escrocs mais trop», le menu maison de pleine fraicheur pourrait aisément rencontrer autant de succès que les cookies du cinéaste de la grosse pomme. Aux dernières nouvelles, pas de casse de banque en vue, la seule chose hackée étant la recette authentique de ce poisson pané légendaire. Ca ne sent pas la morue jusque dans le cœur des frites et des mains délicates peuvent y revenir, en plus. 30, rue Saint-Sauveur 75002 Paris; 01 42 21 88 78.

Bruegger’s

D’après une légende le Bagel aurait été inventé en 1683 par un boulanger de Vienne en hommage au Roi de Pologne Jean III Sobieski qui aurait repoussé une invasion turque par une charge de cavalerie. Le bagel, percé en son centre serait donc le symbole d’un étrier, ce qui est vraisemblable car en allemand le mot étrier se dit «Bügel». Depuis peu, après avoir franchi l’Atlantique, le Bagel est revenu en Europe et sous l’initiative de la marque New-Yorkaise Bruegger’s à Paris, où elle rencontre un légitime engouement. Il est vrai qu’avec ses garnitures pastrami, saumon-salade-ciboulette ou bacon-laitue-tomate accompagnés de frites particulièrement goûteuses on se croit immédiatement à Manhattan pour un tout petit billet. 11, rue de l’Arrivée 75015 Paris.

Greffeuille Aveyron

Une ambassade fameuse des meilleurs produits de l’Aveyron, dont le célèbre fromage de Laguiole sauvé de la disparition à partir des années 1960. 120, rue Saint-Denis 75002 Paris; 01 42 36 73 61.

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